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Tora Ashi Barai Kaiten et Happō Geri


 

Voici une analyse experte et structurée de Tora Ashi Barai Kaiten et Happō Geri, avec vocabulaire technique, logique biomécanique, liens avec les écoles anciennes et implications tactiques.


1. Tora Ashi Barai Kaiten

虎足払回転 — « balayage du pied du tigre avec rotation »

Ce n’est pas un terme standardisé dans les écoles japonaises, mais l’expression est cohérente avec la nomenclature traditionnelle du kobudō et du karaté d’Okinawa.
Elle désigne un balayage spiralé, exécuté avec un ancrage félin (tora) et une rotation du centre (kaiten).

1.1. Mécanique fondamentale

  1. Posture initiale :

    • Ancrage haut et souple, proche d’un neko ashi dachi (猫足立ち), mais plus prédateur : poids du corps très reculé, avant-pied « flottant » prêt à fouetter.

    • Dantian relâché vers le sol, hanches ouvertes (kōkai), scapulas abaissées.

  2. Engagement du kaiten :

    • Rotation initiée par le koshi no kaiten (rotation du bassin), pas par le pied qui balaye.

    • L’intérieur du pied ou la lame externe effleure le sol en créant une spirale basse (comme un mawashi gedan mais presque horizontal).

    • Le genou reste légèrement fléchi pour maintenir la traction au sol.

  3. Point clé :

    • Le balayage n’est pas un geste circulaire libre ; c’est un tsuri-ashi barai (balayage de pêcheur), c’est-à-dire un balayage tracté : on « accroche » puis on tire dans une rotation.

  4. Principe interne :

    • Fa jin court dans la hanche, transmis par la ligne interne cuisse-cheville.

    • L’idée du tigre : un appui arrière solide, une patte avant qui frappe de bas en haut puis ouvre.

1.2. Cadre tactique

  • Sert à renverser dans les échanges courts, lorsque l’adversaire entre ou se rétracte.

  • Idéal dans des bunkai issus de Naihanchi, Bassai, Kūsankū, où le déplacement latéral est minimal et la rotation centrale domine.

  • L’adversaire est soit :

    • en charge, on « dérobe » l’axe et on fauche ;

    • en recul, on arrache le support en suivant son retrait.

1.3. Variantes par écoles

  • Shito-ryu / Tomari-te : balayages rapides au niveau cheville, proches du tomoe barai.

  • Genseiryū : accent sur le mouvement spiralé (sen no sen) et la rotation interne de hanche.

  • Asai-ryū : possibilité d’utiliser la double spirale (balayage + fouetté arrière), typique des dérivations Asai.

  • Motobu-ryū : application directe en combat rapproché avec tirage simultané du poignet (hikite violent vers le bas).


2. Happō Geri

八方蹴り — « coup de pied dans les huit directions »

À la fois un concept pédagogique et un schéma tactique complet. Très utilisé dans le Shuri-te avancé, chez certains maîtres du Shotokan ancien (Nakayama, Asai), et dans les drills chinois importés (Hakke dachi, Baji, Quanfa okinawaïen).

2.1. Fondement conceptuel

Happō (八方) signifie « huit directions » ou « unité complète de l’espace ».
Donc Happō Geri n’est pas une seule technique, mais un système de gestion de l’espace par les jambes :

  1. Zenpō — avant

  2. Kōhō — arrière

  3. Sayū — droite / gauche

  4. Naname zenpō — diagonales avant

  5. Naname kōhō — diagonales arrière

Dans un contexte d’expertise, ce n’est pas une simple succession de coups, mais une géométrie du corps : les hanches dessinent un octogone dans l’espace.

2.2. Typologies de coups utilisés

En général, les happō utilisent :

  • Mae geri keage / kekomi (avant)

  • Ushiro geri (arrière)

  • Yoko geri keage / kekomi (latéraux)

  • Mawashi geri ou soto/uchi kansetsu geri (diagonales avant)

  • Ushiro mawashi ou ushiro yokogeri (diagonales arrière)

Les maîtres Asai, Kagawa, Tanaka intégraient souvent :

  • Hiza geri (genou) dans les angles courts,

  • Kakato geri (talon vertical) pour les angles arrière,

  • Ko geri (pointe du pied vers le haut) pour les diagonales verrouillantes.

2.3. Biomécanique avancée

  • La puissance vient de koshi no kaiten + tanden no hanpa (micro relâchement du dantian entre les directions).

  • Le pied de pivot se repositionne en hachiji dachi spiralé, autrement dit un hachimonji vivant.

  • Les transitions se font par le tai sabaki 180°, ou des demi-cercles courts comme dans Rohai / Chintō.

2.4. Cadre d’application

  • Idéal en multiple attacker scenario (tanbo jissen, randori karate-jutsu).

  • Permet de contrôler les distances sans déplacement excessif.

  • Génère une structure interne (八方構え — happō gamae) où le haut du corps reste neutre, hanches omnidirectionnelles.

2.5. Intégration dans les kata

Présent implicitement dans :

  • Kūsankū : passages multi-directionnels avec keage et rotations.

  • Chintō : diagonales rapides + pivots à 45°.

  • Gankaku : extension du jeu des diagonales.

  • Unsu : spirales et changements omnidirectionnels.
    Les maîtres Asai ont formalisé plusieurs happō renzoku (enchaînements à 8 kicks) dans leur méthodologie moderne.


3. Articulation entre Tora Ashi Barai Kaiten et Happō Geri

Pour un expert, l’intérêt majeur est la spirale commune :

  • Tora Ashi Barai Kaiten : spirale basse, contrôle du support.

  • Happō Geri : spirale haute ou médiane, gestion de l’espace.

En les combinant, on obtient un système complet :

  1. Balayage en rotation (tigre) pour désaxer ou faire tomber.

  2. Transition immédiate en happō pour neutraliser d’autres directions (concept du « prédateur mobile »).

C’est très présent dans :

  • Le karaté de Motobu Chōki (enchaînement balayage → coup de pied immédiat).

  • Les drills chinois du Baji / Tongbei intégrés à Okinawa.

  • Les variantes Asai où balayage + ushiro mawashi constituent un couple biomécanique.

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