Technique n°8 du Bubishi — le contrôle du coude
Présentation générale
La technique n°8 du Bubishi illustre une action de contrôle articulaire sur le coude (hiji kansetsu waza), issue du patrimoine commun du karaté d’Okinawa et du quanfa chinois.
L’image ancienne montre un défenseur interceptant une attaque haute, puis immobilisant le bras de l’adversaire dans une position d’hyper-extension.
Ce principe apparaît dans de nombreux kata — notamment Seisan, Seiunchin et Wanshu — sous forme de mouvements d’enroulement et de pression linéaire.
Principe fondamental
Le mouvement repose sur trois dynamiques simples :
Dévier l’attaque en montant.
Enrouler le bras adverse pour le bloquer.
Créer un levier sous le coude pour neutraliser.
L’énergie utilisée est celle du centre (hara) : le bras n’est qu’un relais. La force naît de la rotation du bassin, du poids transféré vers l’avant et de la spirale du tronc.
Explication détaillée du bunkai
Situation de départ :
Uke attaque d’un coup de poing circulaire ou direct à la tête.
Parade ascendante – Age Uke (上受け)
Le défenseur intercepte le bras attaquant en élevant l’avant-bras dans un mouvement circulaire.
Ce n’est pas une « frappe contre frappe », mais un détournement fluide.
La trajectoire du poing est conduite vers le haut, ouvrant une brève fenêtre pour agir.
Saisie et enroulement – Tuite / Kakie
La main libre vient saisir le poignet ou l’avant-bras de l’attaquant.
Le défenseur avance légèrement et enroule son bras autour de celui d’uke, de manière à inverser le coude et tourner la paume adverse vers l’extérieur.
L’enroulement est accompagné d’un pivot du buste et d’un abaissement du centre.
Clé du coude – Hiji Gatame (肘固め)
L’avant-bras du défenseur glisse sous le coude d’uke.
Par un mouvement de rotation du tronc, le coude adverse est amené en extension forcée.
Le bras devient un levier, la douleur est immédiate si la pression se poursuit.
Il faut s’arrêter dès la sensation de verrouillage : c’est une technique de contrôle, non une casse.
Déséquilibre ou frappe complémentaire
Dans la continuité, le défenseur peut projeter uke vers l’avant (osoto / sukui), ou placer une frappe de paume (teisho) ou de tranchant (shuto) pour marquer la fin de l’action.
L’idée du Bubishi n’est pas la brutalité, mais l’efficacité et la mesure.
Principes biomécaniques
Levier : le bras adverse sert de barre rigide ; le coude devient le point de pivot.
Rotation du tronc : la puissance ne vient pas du bras, mais du hara.
Appuis : le genou avant pousse, la hanche tourne, le pied arrière s’ancre.
Connexion énergétique : du talon à la main, le corps reste aligné, la pression fluide.
Variantes pour la pratique
Sur coup direct (oi-zuki) : parry montant + clé immédiate.
Sur crochet : esquive latérale + enroulement du bras par l’extérieur.
Sur saisie de poignet : inversion et pression du coude vers l’extérieur.
En version douce : simple contrôle du bras sans levier, utile pour le travail à deux en sécurité.
Drills pédagogiques pour le dojo
- Sensibilisation au maai (distance)
Travail en déplacement lent, observer l’entrée et la sortie de ligne.
- Drill “tap-wrap-slap”
– Tap : dévier le coup,
– Wrap : enrouler,
– Slap : contrôler ou frapper.
Fluidité, pas de force.
- Travail progressif de résistance
Augmenter lentement la vitesse et la tension d’uke pour tester la structure.
Toujours respecter la limite de confort du partenaire.
- Intégration en kata
Identifier dans les séquences du kata où le mouvement apparaît : par exemple, le blocage ascendant suivi d’un geste en spirale.
Cela donne du sens à l’enchaînement et éclaire le lien entre forme et fonction.
Erreurs fréquentes et corrections
Erreur : Tirer uniquement avec le bras.
→ Correction : Utiliser la rotation du tronc et la poussée de la hanche.
Erreur : Centrage trop haut.
→ Correction : Baisser le hara, fléchir légèrement les genoux.
Erreur : Blocage raide.
→ Correction : Maintenir la souplesse du coude, absorber avant de répondre.
Erreur : Ne pas contrôler la main de l’adversaire.
→ Correction : Saisir fermement le poignet pour empêcher une contre-attaque.
Sécurité et éthique
Cette technique agit directement sur une articulation fragile.
Elle doit être pratiquée :
Lentement au début.
Avec communication constante entre partenaires.
En arrêtant la pression dès le premier signe de douleur.
L’objectif est la compréhension, pas la domination.
L’esprit du Bubishi est celui de la maîtrise et du discernement — savoir neutraliser sans blesser inutilement.
Esprit de la technique
Cette technique représente la sagesse martiale du Bubishi :
« La main qui saisit doit aussi savoir relâcher. »
Elle enseigne la non-opposition : absorber, guider, neutraliser.
L’efficacité naît de la structure et de la justesse, pas de la force brute.

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