La technique 14 du Bubishi, issue de la section des 48 techniques de self-défense (souvent désignée comme les 48 diagrammes ou illustrations de combat), est une réponse concise et pragmatique à une saisie de la tête par l'adversaire. Le Bubishi, texte fondateur influencé par les arts martiaux chinois du style de la Grue blanche et du Boxe du moine, met l'accent sur des principes de combat réalistes, basés sur la redirection d'énergie, l'exploitation des points vulnérables et l'efficacité en situation de rue. Cette technique s'inscrit dans une philosophie où la simplicité prime sur la complexité, en visant à neutraliser rapidement une menace potentiellement mortelle.
Contexte et Principe Général
Dans le Bubishi, chaque technique est illustrée par un diagramme schématique montrant deux combattants, accompagné d'une phrase laconique qui en résume l'essence. Pour la technique 14, la description originelle est approximativement : « Si l'adversaire saisit votre tête, attaquez son visage. » Cela reflète l'approche du texte : des conseils directs pour des scénarios courants de violence, où le contrôle de la tête par l'opposant peut mener à des attaques dévastatrices comme des coups de genou au visage, des projections au sol ou des étranglements. Historiquement, ces méthodes étaient destinées à des civils okinawaïens confrontés à des agresseurs armés ou non, sans armure, en mettant l'accent sur la survie plutôt que sur le duel sportif.
Pour des experts en arts martiaux, cette technique illustre les principes de ju (souplesse et adaptation) et de kyusho-jutsu (attaque des points vitaux). Elle n'est pas isolée mais peut être liée à des mouvements de katas comme Kusanku (ou Kanku dans les styles shotokan), où des séquences impliquent des frappes ascendantes ou des manipulations d'articulations pour contrer des saisies hautes. Dans certains interprétations, elle s'apparente aussi à des bunkai (applications) de Passai (Bassai), où des gestes de blocage et de contre-attaque visent la tête de l'adversaire.
Mécanique Détaillée de la Technique
Imaginons un scénario typique : l'adversaire, face à vous, tend le bras pour saisir votre tête (par exemple, par les cheveux, le cou ou le visage) dans le but de vous contrôler ou de vous projeter. Cette saisie est dangereuse car elle perturbe votre équilibre (via le contrôle du centre de gravité supérieur), limite votre vision et expose votre visage à des impacts secondaires.
- Évaluation Immédiate et Positionnement Initial :
- Restez centré sur votre hara (centre abdominal) pour maintenir la stabilité. Évitez de résister directement à la saisie par la force brute, car cela consomme de l'énergie et peut aggraver la prise (principe de non-résistance issu du quanfa chinois). Au lieu de cela, utilisez le tenshin (déplacement corporel) pour pivoter légèrement le corps, réduisant l'angle d'attaque de l'adversaire tout en vous positionnant pour une contre-attaque. Les pieds doivent être ancrés en position naturelle (shizen-tai) ou en zenkutsu-dachi modifié, avec le poids réparti à 60% sur la jambe arrière pour une mobilité rapide.
- Contre-Attaque Principale : Frappe au Visage :
- L'action clé est une frappe immédiate et précise au visage de l'adversaire, visant à créer une distraction sensorielle intense. Les cibles prioritaires sont les yeux (pour un gougeage avec les doigts, nukite ou nihon nukite), le nez (avec la paume en shotei-uchi pour briser ou causer un saignement), ou la gorge (pour un étranglement bref ou une poussée).
- Pourquoi le visage ? Biomechaniquement, le visage abrite de nombreux points vitaux (kyusho) comme les yeux (qui déclenchent un réflexe de recul involontaire via le nerf optique), le philtrum (sous le nez, provoquant une douleur irradiant au cerveau) ou les tempes. Une attaque ici exploite le réflexe de protection instinctive, forçant l'adversaire à lâcher prise pour se protéger, rompant ainsi son momentum offensif.
- Exécution Technique : Utilisez la main la plus proche (généralement la main avant en garde kamae) pour une vitesse maximale. Le mouvement est ascendant et circulaire, générant de la puissance via la rotation des hanches (koshi-mawari) plutôt que le bras seul. Par exemple, si la saisie est à droite, pivotez à gauche et frappez avec la main gauche en crochet ascendant, tout en utilisant la main libre pour amplifier la saisie de l'adversaire contre lui-même (comme un levier).
- Suivi et Variations :
- Une fois la distraction créée (l'adversaire recule ou lâche), enchaînez avec un kansetsu-waza (technique d'articulation) comme un arm bar sur le bras saisissant, en tordant le coude vers l'extérieur tout en descendant le corps pour un déséquilibre (kuzushi). Cela transforme la défense en offense, aligné avec le principe du Bubishi de « retourner la force de l'adversaire contre lui ».
- Variations pour experts :
- Si la saisie est bilatérale (deux mains sur la tête), intégrez un gedan-geri (coup de pied bas) au genou ou à l'aine pour briser l'équilibre avant la frappe au visage.
- En cas de saisie arrière (headlock), adaptez en pivotant vers l'intérieur, en frappant les yeux par-dessus l'épaule, puis en appliquant une projection comme o-soto-gari (fauche extérieure).
- Intégration avec kyusho : Suivez la frappe au visage par une pression sur le point ST-9 (artère carotide) pour induire une perte de conscience temporaire, ou sur GB-20 (base du crâne) pour un désorientation.
- Timing Critique : La fenêtre d'action est de 0,5 à 1 seconde ; tout retard permet à l'adversaire de consolider sa prise. Entraînez-vous avec uchi-komi (répétitions) pour développer la sensibilité tactile (muchimi, adhérence collante).
Insights pour Experts en Arts Martiaux
Cette technique souligne l'importance du ma-ai (distance) : une saisie de tête implique souvent une distance proche (chika-ma), où les frappes linéaires sont moins efficaces que les circulaires ou les gougeages. Elle incarne le concept de sen no sen (contre-attaque simultanée), où la défense et l'offense fusionnent, évitant les échanges prolongés risqués en combat réel.
Historiquement, influencée par le Whooping Crane Gongfu, elle met en garde contre les dangers du grappling non contrôlé, courant dans les altercations de rue à Okinawa au XIXe siècle. Dans les styles modernes comme le Goju-ryu ou Shorin-ryu, elle se retrouve dans des bunkai de katas où des mouvements de « blocage haut » (jodan-uke) sont réinterprétés comme des frappes au visage contre une saisie.
Entraînement recommandé : Pratiquez avec un partenaire en résistance progressive, en portant des protections oculaires pour simuler les gougeages sans risque. Intégrez-la dans des randori (combats libres) pour tester son efficacité sous stress, en rappelant que le Bubishi vise la préservation de la vie, pas la victoire sportive. Cette approche renforce la conscience situationnelle et l'adaptabilité, piliers des arts martiaux traditionnels.


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