La technique n°4 du Bubishi est l’une des plus intrigantes : elle illustre un principe classique du combat rapproché — détourner, contrôler et neutraliser en une seule séquence fluide.
Voici la description complète (selon les manuscrits chinois et les versions d’Okinawa les plus fidèles, notamment celle transmise par Mabuni et Higashionna) :
Contexte
L’adversaire attaque frontalement avec un coup de poing direct ou une poussée.
Le pratiquant exécute une esquive oblique (comme un tai sabaki léger vers l’extérieur), tout en interceptant le bras adverse.
Déviation latérale
Pied avant pivote vers l’extérieur (hanmi) pour ouvrir la ligne centrale.
Le bras avant balaie latéralement le poing adverse (mouvement de gedan barai raccourci, circulaire et haut).
L’avant-bras frappe ou repousse au niveau du poignet de l’adversaire, pour casser la trajectoire.
(Principe : 「受けは攻めなり」 uke wa seme nari — “la défense est déjà une attaque.”)
Contrôle du bras attaquant
La main arrière saisit rapidement le poignet de l’adversaire (torite waza).
Le coude du défenseur vient s’appuyer sur l’avant-bras ennemi pour le déséquilibrer.
Le corps tourne légèrement (rotation du koshi) pour placer le bras de l’adversaire dans une tension articulaire.
Saisie de la gorge (擒喉)
Immédiatement après le déséquilibre, la main avant monte en spirale et vient saisir la gorge (nodo 喉) avec le pouce et les doigts.
La traction vers l’arrière et le bas entraîne la perte d’équilibre de l’adversaire.
Le regard reste fixé sur le hara de l’autre (principe de zanshin).
Option de finition
Le mouvement peut se conclure par un coup de genou au bas-ventre (hiza geri 膝蹴り) ou une projection circulaire en tirant la gorge et poussant le bras — un principe proche du kuzushi du jujutsu.
Dans certaines versions chinoises du Bubishi, la saisie est remplacée par une frappe ouverte à la trachée (shuto uchi au creux de la gorge).
Cette technique exprime l’énergie du Lie (裂) — « séparer, fendre, déchirer ».
Elle symbolise la rupture de l’équilibre interne de l’adversaire : une main écarte, l’autre saisit — un yin/yang instantané.
Le dantian reste ancré, le mouvement vient des hanches, pas des bras.
Dans le Bubishi, ce dessin évoque aussi le serpent : souple, patient, et soudain explosif.
L’art ici n’est pas la force, mais la connexion : sentir le centre de l’adversaire et le « débrancher » d’un seul geste.

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