Voici une description complète et détaillée de la technique numéro 1 du Bubishi, telle qu’elle apparaît dans les manuscrits anciens transmis à Okinawa, souvent considérée comme l’ouverture du corpus technique. Cette technique est symbolique du style Kōshō-ryū et de la logique du quanfa du sud de la Chine, dont le Bubishi est l’écho.
Technique n°1 – “L’attaque du tigre jaillissant” (虎出林 – Hu chu lin)
1. Contexte et signification
Cette première technique représente l’essence du Bubishi : la fusion entre la force explosive (fa jin, 發勁) et la précision du contrôle interne.
Elle symbolise le tigre qui bondit hors de la forêt, c’est-à-dire l’action spontanée du pratiquant qui sort de la passivité pour reprendre l’initiative.
Elle correspond au principe du Go no sen (後の先) — « répondre juste après l’attaque » — cher à l’école d’Okinawa.
2. Position de départ
Posture : Neko ashi dachi (猫足立ち), jambe arrière chargée à 70 %.
Main avant : ouverte, paume tournée vers l’extérieur, à hauteur de la gorge (préparation du nukite ou du teisho uchi).
Main arrière : en garde, proche du plexus.
Regard : bas, sur le centre de gravité de l’adversaire (principe du metsuke naturel).
3. Déclenchement
L’adversaire attaque par un tsuki chūdan (coup de poing moyen).
Le défenseur absorbe l’énergie par un léger retrait du buste tout en pivotant le bassin à 30°.
Cette rotation ouvre le flanc droit du corps, préparant un nagashi uke fluide (blocage d’esquive circulaire).
4. Mouvement principal
La main gauche (avant) effectue un blocage intérieur-circulaire (uchi uke) avec la tranche externe de l’avant-bras.
Simultanément, la main droite monte en diagonale vers le menton de l’adversaire, paume vers le ciel, formant un teisho age uchi (frappe ascendante à la base du nez ou sous le menton).
Le mouvement du bassin accompagne la frappe : rotation du hara sur l’axe vertical, générant la puissance depuis le dantian (丹田).
Le tout est exécuté sans tension musculaire jusqu’au point d’impact : le fa jin se libère en une contraction instantanée du bas-ventre et du plancher pelvien (koshi no chikara).
5. Respiration
Inspiration par le nez pendant l’absorption du coup, puis expiration explosive par la bouche au moment du relâchement de l’énergie (ibuki modéré).
Cette respiration suit la loi du Sanchin : le souffle précède et soutient la frappe.
6. Applications (Bunkai)
Si le blocage est trop tardif : la main avant peut dévier le poing de l’adversaire tandis que la main arrière entre dans la gorge (nukite).
En version plus douce : la main avant contrôle le bras adverse (kakete), la main arrière frappe la clavicule avec la base de la paume.
Variante finale : après la frappe, on saisit le col et on déséquilibre vers l’avant en tirant (principe de kuzushi du White Crane).
7. Principes internes
Tigre : force directe, sans hésitation.
Eau : fluidité du déplacement et économie du geste.
Qi : jaillissement du centre (dantian) vers les extrémités.
Intention (Yi 意) : précéder la technique par la décision claire d’interrompre la violence.
8. Transmission okinawaïenne
Dans certaines versions du Bubishi de Tomari et de Kume, cette technique est appelée “Main du moine blanc” (白僧手), car elle illustre l’héritage du Baihequan (boxe de la Grue blanche).
Elle est considérée comme l’origine des mouvements initiaux de Naihanchi et de Sanchin kata dans plusieurs écoles, notamment Goju-ryu et Shorin-ryu.

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