(Figure 3 parmi les 48 techniques du corps à corps)
Le dessin montre deux combattants en contact rapproché. L’un saisit la gorge de l’autre avec la main dominante, tandis que son autre bras semble contrôler ou tirer la nuque. Cette posture, très courte et tendue, évoque un moment de bascule : l’instant où l’équilibre de l’adversaire se rompt.
Les chercheurs s’accordent à dire que cette figure symbolise la saisie du larynx, une technique de contrôle ou de neutralisation par la gorge, typique des méthodes de self-défense d’Okinawa et du sud de la Chine.
La technique vise à :
Stopper une attaque rapprochée (poing, poussée, saisie de vêtement).
Saisir la gorge ou le larynx pour interrompre la respiration ou créer un réflexe de recul.
Provoquer un déséquilibre vers l’arrière ou de côté.
Enchaîner immédiatement sur une projection, une clé ou une neutralisation rapide.
- Entrée et distance
Les deux adversaires sont à très courte portée. Le défenseur (tori) entre légèrement en biais, un demi-pas vers la gauche, tout en gardant le torse proche de celui de l’adversaire. Cette entrée compacte protège le centre (chūshin) et crée un angle d’action favorable.
- Prise de la gorge (larynx)
Main avant (dominante) : la paume ou les doigts se placent en forme de « C », venant saisir la partie avant du cou, juste sous le menton, sur la zone du larynx.
Main arrière : elle contrôle la nuque, la clavicule ou le revers du kimono, selon la distance.
Les coudes restent proches du corps pour ne pas exposer les flancs.
Le regard reste fixé dans les yeux de l’adversaire pour maintenir la pression psychologique.
- Déséquilibre (Kuzushi)
Tori tire légèrement la tête vers lui tout en pivotant les hanches. Ce mouvement combiné crée un effet de levier sur la colonne cervicale :
la gorge est tirée vers le haut et l’avant,
le centre de gravité de l’adversaire recule,
le bassin perd l’alignement.
Le déséquilibre se fait sans force brute, mais par coordination hanche-main-respiration.
- Enchaînement possible
Trois variantes traditionnelles sont souvent associées à cette figure :
A. Projection (renversement arrière)
Tori continue à tirer la tête vers le bas et en arrière, tout en reculant d’un pas. L’adversaire tombe sur le dos ou les genoux. Cette action évoque les projections de type tani otoshi (chute dans la vallée).
B. Clé et contrôle
Si l’adversaire résiste, tori glisse la main arrière sous le menton, verrouille les deux mains et effectue une rotation du buste. Le cou et l’épaule se verrouillent ensemble ; la position permet d’amener au sol et d’immobiliser.
C. Neutralisation rapide
Tori exerce une brève pression sur la gorge, puis repousse l’adversaire en arrière, profitant du réflexe d’ouverture pour se désengager. Dans le contexte historique, cela pouvait précéder une frappe de paume ou un coup de genou.
L’action du hara (丹田 – dantian) doit guider la saisie : l’énergie monte du sol par les jambes et se concentre dans la rotation des hanches.
Le contrôle du centre de gravité de l’adversaire prime sur la force des bras.
La main avant est ferme mais souple : elle ne serre pas, elle “pince et dirige”.
Cette figure illustre une philosophie essentielle du Bubishi : vaincre sans frapper, dominer par le centre, non par la brutalité.
La saisie du cou est une métaphore : contrôler le souffle, c’est contrôler la vie — donc la décision. Dans un cadre moral, cela rappelle aussi la retenue du maître : savoir s’arrêter au moment où la victoire est déjà acquise.
Ne jamais exercer de pression réelle sur la trachée.
Travailler d’abord à vide, puis sur partenaire avec contrôle absolu.
Utiliser le contact symbolique au niveau du torse ou du col.
Conserver l’intention de kuzushi (déséquilibre), pas celle d’étranglement.
Figure 3 du Bubishi
— « Le souffle capturé » —
Entrer doucement, saisir la gorge avec le calme d’un médecin, déséquilibrer sans haine, puis relâcher avant la souffrance. Le contrôle véritable n’est pas dans la main, mais dans l’esprit.

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