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Technique 11

 


La technique 11 des 48 diagrammes de self-défense du Bubishi représente une projection dynamique suivie d'une finition létale, typique des méthodes de combat issues du Quan Fa chinois transmises à Okinawa. Elle est souvent interprétée comme une variante de gyaku tsuchi (marteau inversé) ou sukui nage (projection par ramassage), avec des éléments de saisie et de levier qui mettent en avant les principes de tote-jutsu (techniques de saisie et de contrôle). Pour les experts, cette technique illustre l'intégration du grappling dans le karate ancien, où le combat n'est pas limité aux frappes à distance mais inclut des projections, des immobilisations au sol et des attaques aux points vitaux (kyusho), contrastant avec le karate sportif moderne axé sur le kumite réglementé. Elle met l'accent sur l'utilisation de la force et du momentum de l'adversaire contre lui, alignée avec les concepts de ju no ri (principe de souplesse) et de maai (gestion de la distance), tout en soulignant l'absence de règles en self-défense réelle : tout est permis pour neutraliser la menace, y compris des saisies sensibles.

Contexte et scénario typique
Le diagramme dépeint une situation de proximité où l'attaquant avance agressivement, souvent pour une saisie au col, un coup de poing haut (jodan-zuki) ou une tentative de poussée. L'attaquant est représenté en posture offensive, bras tendus vers l'avant, exposant son bas du corps. Le défenseur, en position inférieure ou neutre, exploite cette ouverture pour inverser la dynamique. Cette technique est particulièrement adaptée aux agressions de rue courantes à l'époque, comme des tentatives de strangulation ou de saisie frontale, et reflète l'influence des arts du moine boxeur (Monk Fist) ou de la grue blanche (White Crane), où le mouvement fluide et l'économie d'énergie priment sur la force brute.
Description étape par étape
Position initiale et esquive (tenshin) : L'attaquant lance un assaut linéaire, par exemple un poing haut ou une saisie aux épaules. Le défenseur recule légèrement sur la jambe arrière pour éviter la ligne d'attaque directe, tout en abaissant son centre de gravité (hanmi ou position semi-latérale). Simultanément, il exécute un bloc montant (age-uke) avec l'avant-bras pour dévier le bras de l'attaquant vers le haut et l'extérieur. Ce mouvement n'est pas une simple parade mais un contrôle initial : la main du bloc glisse le long du bras adverse pour le guider, créant une ouverture au niveau du torse inférieur. L'abaissement du corps est crucial pour les experts, car il permet d'éviter les contre-frappes hautes tout en positionnant le défenseur pour une contre-attaque basse, exploitant la biomécanique où l'équilibre de l'attaquant est compromis par son extension.
Saisie et déséquilibre (kuzushi) : Sans perte de temps, le défenseur avance rapidement (irimi, entrée intérieure) pour combler la distance. La main qui a bloqué passe autour du haut du dos ou de la nuque de l'attaquant (comme un crochet), tandis que l'autre main se place devant le ventre ou les hanches, souvent en saisissant la ceinture, les vêtements ou, dans des variantes plus agressives, les parties génitales pour maximiser le déséquilibre. Cette saisie double crée un levier : le bras supérieur tire vers le bas et l'arrière, tandis que la main inférieure pousse ou soulève vers l'avant et le haut. Pour les experts, notez que cette phase intègre le principe de hara (centre abdominal) : le défenseur utilise sa rotation des hanches pour amplifier la force, plutôt que les bras seuls, évitant ainsi la fatigue et augmentant l'efficacité contre un adversaire plus fort.
Projection (nage) : En un mouvement fluide, le défenseur pivote sur ses appuis (tai sabaki), utilisant le momentum de l'attaquant pour le faire basculer par-dessus l'épaule ou la hanche. L'attaquant est retourné tête en avant, comme un piledriver, atterrissant sur le dos ou la tête. Dans les interprétations traditionnelles, cela peut impliquer un ramassage des jambes si l'attaquant est plus bas, ou un twist du corps si la saisie est haute. La clé pour les experts est le timing : la projection doit coïncider avec l'expiration de l'attaquant pour minimiser sa résistance, et le défenseur maintient un contact constant pour contrôler la chute et éviter une contre-prise.
Finition au sol (ne-waza et kyusho) : Une fois l'attaquant projeté, le défenseur suit immédiatement au sol pour une finition. Le diagramme montre souvent des doubles frappes avec ippon-ken (poing à un doigt, ou phoenix fist) aux points vitaux, comme le sternum (kyusho sur le plexus solaire pour perturber la respiration), les tempes (pour causer une commotion) ou la gorge (pour une strangulation ou une frappe létale). Pour les experts, cette phase souligne l'importance des connaissances anatomiques du Bubishi : les frappes visent des zones vulnérables basées sur la médecine chinoise, comme les méridiens, pour causer douleur, paralysie temporaire ou perte de conscience. Une variante inclut un étranglement ou une clé de bras si l'attaquant résiste.
Interprétations et analyses pour experts
Liens avec les katas : Cette technique est bunkai (application) de la séquence de fermeture de Kushanku (ou Kanku-Dai en Shotokan), où les mouvements de bloc et de pivot simulent la projection. Elle apparaît aussi dans Seipai (Goju-ryu), avec des emphases sur les saisies circulaires, et des échos dans Patsai (Bassai) pour les finitions au sol. Dans Shorin-ryu, elle est liée à des principes de fluidité, tandis qu'en Goju-ryu, elle intègre la respiration sanchin pour la stabilité lors de la projection.
Principes martiaux sous-jacents : Elle incarne le mushin (esprit vide) pour une réaction instinctive, et le zanshin (vigilance continue) pour la finition. Les experts noteront l'aspect psychologique : en feignant une retraite initiale, on incite l'attaquant à s'engager pleinement, aligné avec les articles du Bubishi sur les feintes. Biomécaniquement, elle exploite la gravité et le déséquilibre naturel (kuzushi), rendant la technique accessible même à un pratiquant plus petit. Risques : une exécution mal timed peut exposer le dos ; d'où l'importance de drills répétés pour affiner le sens du maai.
Variations historiques : Dans certaines copies du Bubishi, la saisie peut être plus basse (jambes ou testicules) pour un sukui nage pur, augmentant l'effet psychologique et douloureux. Funakoshi, dans son Karate-do Kyohan, la décrit comme une inversion brutale, influencée par le jujutsu, mais le Bubishi original met plus l'accent sur l'efficacité civile que sur le sport. Pour les pratiquants avancés, intégrez-la à des scénarios multiples : contre une saisie de revers, une attaque au couteau, ou en groupe, en adaptant les kyusho selon l'anatomie (par exemple, ajuster pour un adversaire féminin ou obèse).
Cette technique, comme les autres du Bubishi, n'est pas figée : elle invite à l'expérimentation en dojo pour développer une compréhension intuitive, rappelant que le karate est un art vivant adapté à la réalité du combat.

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Biblio Bubishi

   voici la bibliographie complète sur le Bubishi, rédigée de manière fluide, sans tableau, avec les liens complets vers les éditions, recherches et études de référence. C’est une ressource solide que tu peux partager telle quelle sur France Kata Application — elle mêle travaux historiques, traductions majeures et études modernes.  Bibliographie complète sur le Bubishi  1. Les traductions et éditions principales Patrick McCarthy – Bubishi: The Classic Manual of Combat (Tuttle Publishing, 2016) C’est la traduction anglaise de référence, la plus complète et la plus utilisée dans le monde des arts martiaux. Patrick McCarthy, historien et 9ᵉ dan, y a rassemblé les différentes versions connues du manuscrit, avec explications des 48 figures de combat, des points vitaux, de la médecine martiale, et des principes stratégiques. Cette édition comprend aussi une comparaison entre les styles du sud de la Chine et ceux d’Okinawa. → https://www.tuttlepublishing.com/books-by-countr...