Voici une analyse technique, historique et comparative de la Technique 14 du Bubishi, structurée pour un lectorat d’experts (enseignants, pratiquants avancés, chercheurs martiaux).
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1. CONTEXTE : POSITION DE LA TECHNIQUE 14 DANS LE BUBISHI
Dans les 48 techniques de combat rapproché (kyôhan kumiai-jutsu), la Technique 14 s’inscrit dans la série des actions de contrôle, renversement ou destruction structurelle à très courte distance, dans l’esprit du kakie, du tegumi et du tuite d’Okinawa.
Le dessin 14 traditionnel représente, selon les versions, un saisie-contrôle du bras de l’adversaire, accompagné d’un désaxage + torsion articulaire, immédiatement suivi d’un coup traumatique au cou, au menton ou au plexus.
C’est une technique mixte :
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un uke (réception/déviation),
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un torite (manipulation articulaire),
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un atemi (frappe vitale).
2. DESCRIPTION DU DESSIN 14 : ANALYSE TECHNIQUE DÉTAILLÉE
2.1. Structure générale
L’illustration montre en général :
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A : l’adversaire portant une attaque linéaire (tsuki ou saisie).
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B : le pratiquant pivotant légèrement en hanmi pour sortir de la ligne d’attaque.
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C : le bras de l’adversaire est capturé au niveau du poignet ou juste au-dessus du coude dans un geste de type kakete (鉤手 – main en crochet).
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D : simultanément, la main arrière de B applique une pression entrant-spirale sur l’intérieur du bras adverse, créant une torsion du coude (principe de kansetsu waza).
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E : l’action se termine par soit :
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un tsuki pénétrant au menton (et une torsion cervicale dans certaines interprétations) ;
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une frappe en marteau dans la trachée ;
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un empi ude ate dans la base du sternum ;
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ou un renversement si la torsion est prolongée.
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La signature du mouvement :
déviation → capture → spirale → destruction structurelle ou atemi décisif.
3. DÉTAILS BIOMÉCANIQUES
3.1. Tai Sabaki
Le désaxage est minimal :
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rotation de 15–30° sur le pied avant ou arrière.
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transfert du poids vers le centre (hara) pour stabiliser la spirale.
3.2. Spirale interne (nei xuan)
Le mouvement du bras qui contrôle l’attaque est en spirale interne :
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rotation de l’avant-bras en pronation,
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élévation minimale du coude pour garder l’alignement scapulaire,
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engagement du koshi (bassin) pour propager la torsion.
Cette spirale est essentielle pour ouvrir la ligne centrale de l’adversaire.
3.3. Saisie kakete
Les doigts sont crochés, non serrés.
L’objectif : capter la structure, pas la force brute.
3.4. Frappe finale
L’atemi exploite la ligne ouverte :
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mandibule
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base du cou
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plexus
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pointe du sternum
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angle mandibulaire (nerf trijumeau)
C’est un coup terminal, destiné soit à neutraliser, soit à préparer un contrôle prolongé.
4. CORRESPONDANCES DANS LES KATA TRADITIONNELS
La Technique 14 apparaît dans plusieurs kata sous des formes codifiées.
4.1. Seisan (Shōrin-ryū, Gōjū-ryū, Shitō-ryū)
Le fameux kake-uke suivi d’un atemi au plexus correspond exactement à la mécanique du dessin 14.
4.2. Sanseiru (Gōjū-ryū)
Le blocage circulaire en spirale qui saisit l’avant-bras avant une frappe courte au thorax est un équivalent technique.
4.3. Naihanchi / Tekki
Les kakiwake, morote zuki et manipulations du bras lors des transitions latérales sont conçus pour le combat rapproché dans l’esprit du dessin 14.
4.4. Passaï / Bassai Dai et Sho
Le mouvement yama uke peut être analysé comme une capture + torsion + coup, interprétation courante en bunkai avancé.
4.5. Kūsankū / Kankū Dai
Le kosa dachi avec contrôle du membre puis atemi vertical est souvent relié au principe du dessin 14.
Conclusion technique :
La Technique 14 est un archétype du uke + tuite + atemi, présent dans presque tous les kata majeurs.
5. FILIGRANE HISTORIQUE : ÉCOLES ET MAÎTRES
5.1. Écoles où ce principe est central
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Bubishi → Tomari-te et Naha-te
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Gōjū-ryū (Higaonna Kanryō, Miyagi Chōjun) : travail du kakie → capture + atemi.
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Shitō-ryū (Mabuni) : intégration directe des 48 techniques.
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Uechi-ryū : spirales brèves, frappes courtes, manipulations articulaires.
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Motobu-ryū : combat rapproché (kumite réaliste), très proche des dessins 6–16.
5.2. Maîtres qui ont théorisé ce type de technique
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Motobu Chōki : « bloquer avec un bloc est inutile ; contrôler et frapper est essentiel ».
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Miyagi Chōjun : intégration du kakie.
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Higashionna Kanryō : transmission des techniques de Fujian White Crane.
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Kenwa Mabuni : systématisation des tuite du Bubishi dans les bunkai du Shitō-ryū.
6. INTERPRÉTATIONS CONTEMPORAINES EN SELF-DEFENSE
6.1. Adaptations modernes
La Technique 14 peut être convertie en :
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clé de coude (ude garami / waki gatame)
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contrôle du poignet + déséquilibre latéral
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prise d’étranglement latérale après la rotation
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amené au sol sans chute (police/security)
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frappe biceps ou triceps pour incapacité fonctionnelle immédiate
6.2. Applications contre des attaques actuelles
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saisie de vêtement → spirale interne + choc coude/cou.
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tentative d’étranglement frontal → capture d’un bras + torsion + coude au cou.
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attaque au couteau en direct-line → déviation + capture + torsion vers l’extérieur pour désarmer.
6.3. Points clés pour la self-défense moderne
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Ne pas maintenir la saisie, frapper et rompre le contact.
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Limiter la complexité : spirale + atemi = fin.
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Toujours se déplacer (pas statique comme dans les dessins).
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Utiliser le mur/obstacle pour amplifier la torsion.
7. SYNTHÈSE POUR ENSEIGNANTS ET EXPERTS
La Technique 14 du Bubishi représente le prototype de la défense en combat rapproché d’Okinawa :
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contrôle minimaliste,
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désaxage léger,
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spirale interne,
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torsion articulaire,
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frappe décisive.
Elle constitue un pont direct entre :
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le White Crane du Fujian,
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les kata Naha-te et Shōrin-te,
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le kumite réaliste de Motobu,
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la self-défense moderne.




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